KAHINA LOUMI

« Elle est retrouvée.
Quoi ? – L’Éternité.
C’est la mer allée
Avec le soleil. »

Les œuvres de Kahina Loumi respirent le bonheur, ou tout du moins le plaisir pris par leur auteure à conjuguer les formes avec les couleurs dans l’espace tendu, fictif, de la toile. Malicieusement qualifiée de « peinture optimiste », sa pratique picturale, à l’huile, apparait motivée par une sensibilité rare à la beauté de la nature proche, jusque dans ses infimes détails. Partout où le regard se pose, le temps semble tout à la fois suspendu et pleinement savouré, entre printemps et été, aube lumineuse et solstice rayonnant. Les titres donnés ont en cela une merveilleuse puissance évocatrice, ils agissent à la lecture comme une invitation à observer ici un oiseau (Vol, 2019), là des feuilles volantes (Blowing in the wind, 2019), à se remémorer les moments précieux (Premiers jours, 2019), à prendre conscience de sensations aussi simples que plaisantes (Pieds-Nus, 2017). Pour l’artiste, diplômée de l’École européenne supérieure d’art de Bretagne en 2018, un enjeu phare réside dans le partage de cette qualité d’attention au monde, à travers le jeu subtil et aérien de teintes lumineuses, souvent diluées, longuement travaillées. Semblables à des notes d’espoir et d’insouciance, les formes qu’elles délimitent chantent des émotions au-delà des mots, une sérénité joyeuse que Kahina Loumi retrouve chez plusieurs artistes qui l’inspirent, parmi lesquels Henri Matisse et Agnès Martin. Au-delà de la simple référence à des noms, des œuvres et des parcours, se dessine une constellation choisie, un rapport de compagnonnage quotidien, intellectuel et sensible, à des pairs admirés – citons également, sans ordre ni exhaustivité, Helen Frankenthaler, Etel Adnan, Ellsworth Kelly, Raoul De Keyser, Guy Mees, Sergej Jensen, Matt Connors... De fait, Kahina Loumi connaît son histoire de l’abstraction peinte sur le bout des doigts, et aime à en manipuler les codes. Intéressée par les dialogues entre les disciplines et les techniques, elle joue avec l’héritage des Shaped Canvas en tendant certaines de ses toiles en coton naturel sur des châssis aux formes figuratives (Shell, 2019 ; La Soirée dans la forêt, 2019) ou franchement abstraites (Myosotis, 2018 ; Dévaler, 2017 ; Gourmandise, 2017). Bien loin d’utiliser la toile en tant que surface uniforme, Kahina Loumi compose aussi en assemblant et cousant des pans de cotons teintés de peinture à l’huile (Moins de bruits, plus de pluie, 2018), ou en les intégrant à la colle à relier (Delphes Garden, 2019). À cette pratique de « collage de peinture » s’ajoute celle, méthodique et protocolaire, du dessin abstrait, dont elle explore les possibilités à la manière d’une écriture automatique. Certaines œuvres, à mi-chemin entre peinture et sculpture, sont érigées tels des paravents (Piscine, 2019 ; Étang, 2019), quand d’autres sont peintes à plat, à même le sol, au blanc de Meudon (Piscine, 2018 ; Bassin, 2018). Toutes portent le souci permanent de la prise en compte de l’espace investi le temps de l’exposition, comme de l’expérience de visite proposée ; l’idéal poursuivi étant de favoriser la création d’une plongée immersive au sein d’un récit, à l’instar de celui d’un paradis mythique que tissaient à l’unisson les œuvres réunies lors de l’exposition personnelle de Kahina Loumi au HubHug, lieu expérimentation du centre d’art contemporain rennais 40mcube, en 2019.

Marie Chênel, décembre 2020

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Arthur Rimbaud, Derniers vers, 1872

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